Il n'est pas question d'orgue ni d'accompagnement du chant grégorien, chant a capella par définition, pendant le premier millénaire de l'histoire de l'Église1). Malgré ses origines très anciennes, l'instrument ne sera réemployé en Europe occidentale qu'après l'an mil.
Simple soutien du chant à l'origine, substitut d'une ou plusieurs voix quand apparaît la musique polyphonique, instrument concertant ou autonome, la musique d'orgue et la liturgie catholique romaine sont étroitement imbriquées depuis la fin du Moyen-Âge. Dans la masse de partitions qui nous a été léguée par les organistes depuis des siècles, on trouve une multitude d'accompagnements de messes, des compositions sur des thèmes grégoriens, des créations originales… toutes écrites pour la beauté et l'élévation du culte2).
(Nous ne parlerons pas, dans la suite de cette page, des messes composées comme des pièces musicales à part entière et interprétées à l'église ou au concert, comme la messe en si mineur de J-S Bach ou le Requiem de Mozart, par exemple.)
L'emploi des instruments de musique dans le cadre liturgique est régi par des règles précises :
Relire un corpus des règles qui s'appliquaient anciennement à l'orgue et à l'organiste peut se révéler un exercice non dénué d'intérêt pour le musicien d'Église. Mais voyons comment on accompagnait à l'orgue autrefois.
L'utilité de l'accompagnement du chant grégorien est une question qui revient régulièrement dans les débats de spécialistes : elle n'est pas nouvelle et, déjà au XVIIème siècle, Guillaume-Gabriel Nivers en parlait doctement dans sa Dissertation sur le chant grégorien.
Fruit de recherches approfondies, un article paru dans l'une des dernières livraisons de la revue L'Orgue3), n°310, L'orgue en plain-chant à l'unisson des voix des religieux sous l'ancien régime, met en évidence les aspects suivants de l'accompagnement à l'orgue aux XVIIème et XVIIIème siècles dans les paroisses :
Dans les communautés religieuses, où l'ensemble des frères ou des sœurs participe au chant, les versets pour orgue n'assument plus qu'une fonction d'ornementation 5).
La conclusion de M. François AUZEIL, auteur de l'article, est que, doté d'accords dès le milieu des années 1770 ou 1780, l'orgue touché en plain-chant peut être considéré comme une pratique qui annonce l'apparition et la généralisation des accompagnements harmonisés qui prévalurent au XIXème siècle.
Avec pragmatisme l'expérience suggère que cet accompagnement, lorsqu'il a lieu, soit :
Par rapport aux règles liturgiques qui fixent le déroulement de la Messe, l'intervention de l'orgue de façon autonome est généralement pratiquée de façon assez stricte dans les paroisses avec :
Notons au passage une autre spécificité française, depuis le XIXème siècle, qui est l'accompagnement des messes basses où l'organiste joue pratiquement sans interruption durant la Messe.
Des traités et des recueils d'accompagnement du chant grégorien à l'orgue ont été publiés depuis fort longtemps, quoique les plus anciens puissent poser des problèmes d'interprétation :
En ayant ceci présent à l'esprit, rien n'interdirait d'exécuter des Messes de Frescobaldi ou les pièces du Graduel de Guillaume-Gabriel Nivers, en tenant compte des observations formulées précédemment : ces compositeurs ont été chargés de réécrire le plain-chant après le Concile de Trente, le premier en Italie et le second en France. D'ailleurs ne chante-t-on pas les messes “grégoriennes” de leur contemporain, Henry du Mont, lors des grandes solennités en France ?
Il est donc prudent, pour le jeune organiste qui vient d'arriver à la tribune d'un orgue, de s'en tenir aux éditions du XXème siècle lorsqu'il lui est demandé d'accompagner le plain-chant :
Si l'époque où l'organiste prenait le Missel romain, le Graduel ou le Vespéral, et, ayant déchiffré le Propre du jour et l'Ordinaire de rigueur, improvisait l'accompagnement de la célébration n'est plus, cela ne veut pas dire que l'art de l'improvisation s'est perdu ni que son enseignement au sein des Conservatoires de musique soit tombé en désuétude. Une tendance actuelle dans les églises met l'organiste en marge de l'action liturgique alors qu'il est, bien souvent, le seul musicien professionnel, le seul susceptible d'apporter un réel embellissement 7) des cérémonies religieuses.